Nathalie, nous livre ici le récit de la naissance de son second bébé à La Maison, la maison de naissance de Grenoble: un accouchement dans l’eau! Je la laisse se présenter

Nathalie, 37 ans et grande phobique des aiguilles… alors quand je suis tombée enceinte de mon premier bébé, je me suis mise en tête qu’il me fallait les éviter au maximum. Je me suis donc orientée vers un accouchement physiologique, et Basile est né en 2015 dans la salle « nature » de la maternité. J’ai quand même eu droit à la pose du cathéter, inévitable dans le protocole de l’établissement…Quand j’ai appris la création d’une maison de naissance au sein de ce même établissement, je m’y suis inscrite dès le second test de grossesse positif! Au-delà de se passer des aiguilles, c’est tout un univers autour de l’accouchement, de la naissance, qui s’est ouvert à moi et par extension, à mon amoureux.

Mon tout petit,

Il est temps que je couche sur papier le jour de ta naissance… un accouchement dans l’eau.


Le 15 août, il fait une chaleur à crever, je ne tiens plus, de nouveau comme pour ton grand frère, l’angoisse de dépasser le terme (le 17), infondée mais complètement incontrôlable.
Je m’en vais marcher malgré la chaleur accablante, en plus des energy-balls aux dattes (que je trouve insipides) et la tisane de framboisier (pas bien meilleure).
Je fais le tour du parc, gravis la butte par la trentaine de marches, te dis à voix haute que maintenant il faut sortir.
Évidemment le soir, rien. La nuit, clame plat, je dors toujours aussi bien, c’est déjà ça.


Au matin, Basile part se promener au lac du Monteynard avec ta grand-mère et tes arrière-grands-parents. Ils quittent joyeusement la maison vers 10h.
À 10h15, 1ère contradiction, bim ! Incroyable que le corps soit capable d’attendre un moment de calme, de disponibilité totale.
Avec ton papa nous petit-déjeunons tranquilles, je suis contente et soulagée parce que ça y est, on ne dépassera pas le terme. Clairement ce ne sont plus des contractions « d’entraînement » comme les mois qui précèdent, celles-ci sont un peu douloureuses.
Vers midi, Juliane, une des deux sages-femmes de la Maison de Naissance, m’appelle pour fixer un rdv le lendemain, jour du terme présumé. Je lui dis OK mais qu’il semblerait que peut-être ce ne soit pas nécessaire… Affaire à suivre.
Je profite du calme de la maison pour aller m’allonger, écouter ma playlist, construire doucement ma bulle. Ces quelques heures sont passées très vite, à 16h ça commence à tabasser bien comme il faut, ça tangue, je suis à 4 pattes dans le salon accoudée au canapé. Je chante, râle, psalmodie, comment appeler cela ? Pendant ce temps, devine à quoi s’occupe ton père ? Il rayonne des roues de vélo !
À chaque contraction, il vient me masser puissamment le bas du dos, le sacrum vers le bas, et ça me fait un bien fou. Il guide ma respiration, fait des « aum » de sa voix grave qui me bercent et que je reprends, jusqu’à me rendre saoule. Il abandonne définitivement sa roue de vélo…
Basile rentre de sa balade, je rassemble quelques forces pour lui faire un gros bisou entre deux contractions. Je lui dis que je crois que le bébé va arriver cette nuit. Il semble content de cette nouvelle, mais très contrarié de devoir repartir chez sa grand-mère aussitôt (ça ne dure que cinq minutes, il est entre de très bonnes mains).
À 18h30, je signale à ton papa que le départ est imminent, je suis en train de passer un cap, et si on ne part pas bientôt, je ne me sentirai plus capable de marcher, descendre les escaliers, monter dans la voiture, etc. Ce qui me paraît déjà être un effort insurmontable.
Il est un peu sceptique, les contractions sont fortes certes, mais rapprochées depuis peu… Juliane lui dit « si la femme dit qu’il faut partir, c’est elle qu’on écoute ». On part. Le soleil est aveuglant, c’est trop, tout comme le trajet, quinze petites minutes si longues. Je remercie les constructeurs de voiture d’avoir pensé aux accroches au-dessus des fenêtres, c’est du costaud ! En bas de la clinique, il y a du monde, les gens dehors sont inquiets de voir une femme sur le point d’accoucher arriver.

On me propose un fauteuil roulant, moi je veux juste monter dans la Maison de naissance le plus vite possible, me reglisser dans ma bulle, qu’on me fasse de la pénombre et du frais.
On arrive quelques minutes avant Juliane, puis elle nous ouvre la salle de naissance. Je me rue sur le tapis, un ballon pour me maintenir en avant. Je balance vigoureusement ma tête, dans tous les sens, ça me distrait de la douleur, ou me shoote, ou les deux. Comme pour m’endormir quand j’étais enfant… Plus tard, Juliane me dira que c’est la première fois qu’elle voit « une femme accoucher en faisant le cheval ». Bon. Chacun ses petites névroses hein !
Durant ces quelques minutes, la baignoire se remplit. Comme pour ton frère, je sais que je vais en avoir besoin. J’ai extrêmement peur d’en n’être qu’au début du travail, je ne veux pas que la sage-femme m’ausculte pour me donner le chiffre d’ouverture, trop peur d’être découragée alors qu’il me semble atteindre le sommet.
Juliane me rassure : les signes sont plutôt ceux d’une femme sur le point de donner naissance, il ne doit pas rester grand-chose… Je reprends du nerf, souffle mon col, t’appelle, mon bébé, à m’aider à finir cette grande ouverture.


J’entre dans la baignoire, je veux l’eau chaude sur mes reins, alléger mon poids. Je m’accoude face au rebord, les jambes derrière en crapaud.
Soudain, je sens que tu arrives. Je le signale, Juliane passe un coup de fil à sa binôme d’astreinte pour qu’elle se mette en route. Je lui fais rater sa séance de ciné (désolée Maud;).
Et je vis un truc incroyable, que sans doute seules les Maisons de Naissance permettent, j’expérimente la phase de latence. Pendant quelques minutes (peut-être quatre), les contractions cessent. Le temps est suspendu, je m’endors sur le bord de la baignoire. Quelques minutes de répit puis une contraction me réveille. La fameuse envie impérieuse de pousser, irrésistible, je pousse une fois, deux fois, ta tête sort et le reste de ton corps sans effort ou presque. L’eau se trouble de nous, ton père t’attrape et te sort de l’eau, moi je m’étonne vingt fois de la rapidité de ta sortie. Je répète en boucle : « mais tu es déjà là ?? Mais c’est incroyable, tu es incroyable !! »
Ton papa me dit : « c’est un petit Sacha ! ». Juliane nous aide à sortir de l’eau pour nous allonger sur le lit double, délivrer le placenta puis nous reposer. Je sais qu’il reste cette mission, je l’ai bien en tête, j’ai hâte d’en finir pour profiter pleinement de toi. On attend que ton cordon cesse de battre pour le couper. J’expulse le placenta, à ma demande Juliane me le montre. Ma curiosité est comblée, je n’ai pas besoin d’y consacrer davantage d’intérêt…


Au final, tu es né quarante minutes après notre arrivée à la Maison de Naissance, donc on retient bien la leçon : « on écoute toujours la femme, c’est elle qui sait ! ».
Un petit peau-à-peau, une tétée, une douche pour moi, tu es né à 19h45 et 3h après nous rentrons à la maison. Il fait nuit quand nous sortons tous les trois, baignés d’ocytocine, galvanisés par la puissance et la rapidité de ta venue au monde. La rue est calme, nous nous couchons dans notre lit, toi dans ton petit lit de cododo, mais évidemment, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je me suis refait le film en boucle dans ma tête, je craignais de m’endormir et que tout ça ne soit qu’un rêve… et qu’il faille tout recommencer !
Le lendemain matin, ton grand frère est rentré pour de bon cette fois, et il a dit : « elle avait raison maman, c’était bien pour cette nuit ! » Tu aurais vu son sourire…