En dehors des récits de mes copines et des visites aux nouveaux-nés, je ne connaissais pas grand-chose à la maternité et à la naissance. Quand j’ai appris ma grossesse, j’ai lu quelques témoignages sur l’accouchement, relu celui de mon amie Anne-Charlotte sur son accouchement au Calm, parcouru des comparatifs sur les différentes structures, les niveaux, les labels, les recommandations de l’OMS, les modes de préparation…

Pour mon accouchement, je n’avais pas d’idée préconçue : j’avais simplement envie que ça se passe bien ou le mieux possible, j’avais confiance dans mon corps, je n’étais pas contre l’absence de péridurale mais au contraire je craignais d’être « dépossédée » de la naissance et j’étais très séduite par la perspective d’un suivi global.

Rapidement, j’ai rempli une demande pour assister à une réunion d’information au Calm, pour en savoir plus et me laisser le choix. Ce soir-là, j’ai pris conscience d’un élément clé des maisons de naissance : le retour précoce à la maison – pas franchement l’info la plus rassurante quand c’est la première fois qu’on devient parent et qu’on n’imagine pas encore rentrer chez soi avec un tout petit bébé d’à peine quelques heures… 

À la fin de la réunion, j’ai confirmé mon intérêt pour le Calm, en espérant qu’on pourrait y être suivis. 

Quelques jours plus tard, on a su qu’il y aurait une place pour nous, sous réserve qu’Alice, la sage-femme qui allait nous suivre, valide lors d’un premier examen que la grossesse ne présentait aucun risque. 

Ma grossesse auprès d’Alice et d’Habiba

Tout allait bien : nous allions donc pouvoir être suivis et peut-être accoucher au Calm ! 

Je dis peut-être car pour une première grossesse il y a une chance sur deux d’être transférée aux Bluets, la maternité au sein de laquelle se situent les locaux du Calm. Les sages-femmes anticipent tout éventuel problème et ne prennent aucun risque : s’il y a le moindre danger pour la maman ou le bébé, c’est l’équipe des Bluets qui prend le relais. Par exemple, j’ai été un peu anémiée pendant la grossesse : rien de grave, mais Alice et Habiba ont été très vigilantes sur ce point (plus que dans une maternité) pour que j’adapte mon alimentation et prennes des compléments en fer de façon à éviter toute complication lors de l’accouchement.

Tout au long de ma grossesse, j’ai été suivie par Alice, de temps en temps accompagnée par une stagiaire, et 2 fois par Habiba, son binôme. Mon terme étant prévu pour mi-août, je savais dès le début qu’Alice serait peut-être en vacances au moment de mon accouchement et que ça serait alors Habiba qui serait auprès de nous. 

On s’est vues tous les mois, à la fois pour le suivi de la grossesse et la préparation à l’accouchement, parfois avec le futur papa, parfois sans. Nos rendez-vous duraient 1h30, on avait le temps de discuter, de se connaître, d’aborder tous les sujets sans aucun gêne puisqu’on était entre nous. J’aimais beaucoup ces rendez-vous : je les prenais le matin en m’arrangeant pour arriver plus tard au bureau ces jours-là, j’arrivais au Calm, j’enlevais mes chaussures et j’attendais Alice sur un des gros canapés de la pièce à vivre. Je pouvais me faire un café ou un thé si j’avais envie, parcourir un livre ou le cahier des bonnes adresses des parents, échanger quelques mots avec une autre future maman. 

Je crois que la séance la plus importante fut celle où Alice nous a expliqué tout le processus physiologique de l’accouchement, ce qui allait se passer dans mon corps, les hormones à l’œuvre, le chemin que le bébé allait suivre, les différentes phases par lesquelles j’allais passer, y compris la phase de désespérance, la plus difficile mais aussi celle qui annoncerait que la naissance serait proche. 

Savoir comment se déroulerait l’accouchement sur le plan physique et hormonal a renforcé ma confiance dans les capacités de mon corps. 

Je suis restée en forme tout au long de la grossesse, j’ai continué à marcher plusieurs kilomètres par jour, j’ai fait du yoga, j’ai remplacé la chaise et le canapé par le ballon de gym (Habiba m’avait dit que ça pourrait me faire gagner plusieurs heures de travail, ça motive !) et sur le dernier mois, je buvais au quotidien une tisane de feuilles de framboisier, je grignotais des dattes… bref j’ai tenté à peu près tous les trucs qui peuvent aider le jour J ! 

Sur les conseils d’Alice, j’ai lu les témoignages issus du livre d’Ina May Gaskin, emprunté à la bibliothèque du Calm. Ces récits d’accouchement naturel, dans un autre contexte que le mien, m’ont beaucoup aidée à visualiser l’accouchement, les positions que je pourrais adopter, l’aide autant physique que psychologique que m’apporterait la sage-femme. J’ai découvert que l’accouchement pouvait carrément être orgamisque (spoiler : c’est rare et ça n’a pas été le cas pour moi) et que pour toutes ces femmes accoucher ainsi avait été une expérience très forte, positive, et la source d’une grande puissance.

La naissance 

Ma grossesse s’est donc déroulée sans gros problème, le bébé s’est mis la tête en bas dans les temps, je suis restée en forme : toutes les conditions étaient réunies pour que j’accouche au Calm.

Trois semaines avant le terme, juste après le deuxième épisode de canicule, j’avais rdv avec Habiba pour le suivi, où je voulais lui présenter le futur papa au cas où notre bébé arrive avant le retour de vacances d’Alice. Heureusement, car 3 jours plus tard j’allais accoucher! 

Dimanche soir, je sens que l’accouchement approche. 

Je prends un bain, je plaisante sur les contractions (j’en ai depuis quelques semaines, mais que je ne sens pas), je me sens épuisée par la canicule, je prévois de me reposer et de finir les derniers préparatifs dans la semaine qui vient (le lit du bébé n’est toujours pas monté).

Je me couche, les contractions sont plus fortes mais irrégulières. Mon mec dort, je me rendors entre les contractions, je vais aux toilettes, je vomis, je marche dans l’appartement pour me soulager, j’ai mal aux jambes, je me rendors et me réveille régulièrement, je perds la notion du temps, je suis fatiguée, je veux me reposer.

À 4h du matin, je perds les eaux. On appelle donc Habiba, mais en gardant en tête que pour un premier enfant, l’accouchement risque d’être long. Les contractions sont encore irrégulières, douloureuses mais pas autant que je l’imaginais, j’ai envie de me reposer à la maison : on décide de rester chez nous pour le moment et de faire le point demain matin, ou de se rappeler avant si la situation évolue.

Là mes souvenirs sont plus flous, je me souviens que les contractions sont plus fortes, j’arrive encore à me rendormir plusieurs fois avec mon coussin de grossesse. Je me souviens avoir décidé consciemment de crier, pas tant de douleur que parce que j’avais la sensation que ça m’aiderait. Je me rends compte que j’ai commencé à pousser, de façon complètement instinctive. 

Mon mec décide qu’il est temps de partir : il boucle la valise et réserve un taxi. Il est 7h du mat, on rappelle Habiba (qui heureusement nous a prévenus par sms qu’elle allait au Calm finir sa nuit), j’enfile une robe et on file au Calm. Paris est désert, le taxi hyper prudent, je crie et m’accroche à chaque contraction.

À 7h30, on arrive au Calm, Habiba nous attend devant la porte. En m’entendant crier, elle sait que l’accouchement est proche. 

Les deux chambres sont dispos, je choisis la chambre bleue.

Est-ce que je veux prendre un bain? Je ne sais pas, je ne crois pas…

Habiba tire le gros tapis rangé sous le lit double, installe les bâches, je retire ma culotte et remonte ma robe et je m’installe à genoux, les coudes appuyés sur le lit. Mon mec est devant moi, me soutient, je lui broie les mains. Habiba est derrière moi, elle essaye d’entendre le cœur du bébé mais il est déjà trop bas, presque là. 

Je pousse sans y penser, la douleur est là, mais elle est tellement efficace et utile qu’elle en est supportable. Pas un instant je n’ai pensé à la supprimer, je sens combien elle est nécessaire à ce que je suis en train de faire, combien elle me guide. 

La tête du bébé commence à apparaître, je ne veux pas bouger de ma position pour la toucher. J’ai l’impression qu’elle ne passera jamais, que c’est trop étroit, ça brûle… Habiba me rassure, m’encourage. Il arrive, il est là, et tout son corps glisse en dehors du mien. 

Il est par terre sur le tapis, je n’ose pas encore le regarder, il pousse son premier cri. 

Notre bébé est là, il est parfait, c’est fou, c’est doux. Je monte dans le lit, Habiba le pose sur moi et nous couvre de draps tout chauds. 

Quelle heure il est ? 8h, on va noter 7h58.

On découvre notre enfant, qu’il est beau. Je n’arrive pas à le quitter des yeux. 

Je ne sais plus à quel moment il a pris le sein pour sa première tétée, ni quand j’ai expulsé le placenta (sans contraction et épuisée, j’avais l’impression de ne plus savoir comment pousser) ou quand Eva, la seconde sage-femme, est arrivée et qu’elles m’ont manipulée pour remettre mon bassin. Je me sens en confiance, dans une bulle, entourée de bienveillance.

Dans la matinée, Habiba est revenue tester les réflexes de notre fils, on l’a vu marcher sur le lit, juste à côté de nous. 

Et ce retour précoce alors? Il nous a semblé totalement normal et naturel, on avait hâte de rentrer chez nous et après avoir déjeuné et repris des forces (les meilleures farfalles au gruyère que j’ai mangées, préparées par le papa dans la cuisine du Calm), on a fait le chemin retour avec notre tout petit bébé de quelques heures.

On a recréé notre bulle à trois à la maison, on gardait notre fils collé à nous, je me souviens qu’on était bien. 

Ma mère est arrivée le lendemain pour nous aider, Habiba est passée 3 fois s’assurer que tout allait bien et prendre soin de moi et du bébé. 

Le seul point un peu compliqué pour nous a été de consulter une pédiatre en ville, peu habituée à voir un bébé aussi jeune : je n’avais pas anticipé cette difficulté, et pas pensé à rencontrer un médecin avant d’accoucher pour lui présenter le contexte de cette naissance. 

Une semaine après, on est retourné au Calm, Alice était rentrée de vacances et a pris le relais d’Habiba pour le suivi postnatal. 

On s’est vues trois fois après la naissance, je n’avais pas conscience que le dernier rendez-vous arriverait si vite et qu’il faudrait déjà se dire au revoir. En quelques mois, même pas un an, on a tissé une belle relation de confiance.

Je me sens extrêmement chanceuse et reconnaissante d’avoir bénéficié d’un tel accompagnement et d’avoir eu la possibilité d’accoucher dans ces conditions. On n’avait pas de projet de naissance défini, je n’avais pas en tête une image de l’accouchement idéal mais je n’aurais pas pu rêver mieux pour nous trois. 

C’est Aurélie qui partage avec nous son témoignage. Elle a mis au monde son premier enfant au Calm, une expérience forte dont elle sort grandie et reconnaissante. Elle s’engage aujourd’hui auprès du collectif pour élargir l’accès aux maisons de naissance en France et pour que les femmes puissent vivre l’accouchement qu’elles souhaitent.