Maison de Naissance: un bon départ dans la paternité

C’est Alban, « papa ours du plus adorable ouistiti du monde », qui partage avec nous sa rencontre avec sa fille à Manala, l’une des 8 Maisons de Naissance en expérimentation. Il explique comment cette expérience a nourrie sa paternité.

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Tout changer sans rien changer

Tous sur la même ligne de départ

La parentalité est une aventure incroyable : depuis que je suis devenu papa, tout a changé dans ma vie. Mais en même temps, le grand paradoxe, c’est que rien n’a changé. Je suis toujours la même personne qu’avant la naissance de ma fille : j’habite toujours au même endroit, j’ai le même travail, les mêmes amis, j’aime toujours Stephen King et les glaces au yaourt, et je déteste le pastis et les prospectus dans ma boîte aux lettres. C’est plutôt comme si l’arrivée de ce petit ouistiti dans notre foyer avait mis les choses à leur place, que toutes les pièces du puzzle s’organisaient harmonieusement et que je voyais enfin le motif qui était là, sous mes yeux, depuis le début.

Et d’où a émergé cette harmonie ? Je suis convaincu que c’est parce que nous avons préparé l’arrivée de notre ouistiti en maison de naissance (et qu’elle y est née). Parce que depuis le jour où nous avons dit « oui » à cette sage-femme qui nous proposait un accouchement en maison de naissance, nous avons tous démarré ce chemin en même temps, côte à côte, sur la même ligne de départ.

De la difficulté de vivre la grossesse à côté

Ma femme est tombée enceinte en Juin 2016. Pendant 9 mois, j’ai pu la voir s’arrondir, son ventre se tendre, l’appétit partir puis revenir, la fatigue s’installer… Toutes les joies de la grossesse ! Mais surtout, je l’ai vue petit à petit appréhender son rôle de mère, évoluer en même temps que son corps, et se préparer à franchir ce nouveau pas dans sa vie et à endosser ce nouveau statut. Moi, de mon côté, j’ai vécu ça de la manière dont (je pensais à l’époque) tous les papas le vivait : avec joie, mais à distance. Ma femme sentait le bébé grandir en elle, et moi, je ne pouvais que le voir. Aussi, alors que la grossesse avançait, je me rendais compte que le moment de la naissance était de plus en plus proche, mais je ne me sentais pas me transformer intérieurement comme elle. Je ne me sentais pas évoluer pour me préparer à endosser ce futur statut de papa qui se rapprochait de plus en plus.

Et je pense que si nous avions vécu un accouchement classique en maternité, voici comment les choses se seraient passées : j’aurais été un soutien pour ma femme pendant la grossesse, mais je serais resté en périphérie de tout le processus. Les préparations se seraient probablement passées sans moi, je me serais donc reposé sur ma femme qui devait savoir « comment les choses allaient se passer » . Le jour de l’accouchement, j’aurais sûrement été un spectateur qui « ne sait pas trop quoi faire ». je pense que cela ne nous aurait pas empêché d’être une famille heureuse, rassurez-vous ! Mais cela aurait conduit à un déséquilibre, dans la mesure où ma femme aurait commencé à rencontrer notre enfant alors qu’il grandissait dans son ventre ; alors que pour moi, la rencontre aurait attendue les jours suivant la naissance, voire plus tard encore (vu qu’elle a été allaitée et passait donc beaucoup de temps avec sa maman). Ma vie de papa n’aurait donc vraiment commencé que bien plus tard, et je pense que j’aurais eu d’autant plus de mal à trouver ma place.

Une naissance en couple

Seulement voilà, nous avons eu la chance de rencontrer (complètement par hasard, et c’est d’autant plus incroyable !) une sage femme qui nous a proposé d’accoucher en maison de naissance. Le projet nous a d’abord interpellés (« Ah bon ? »), intrigués (« Tu crois qu’on essaye ça ?»), inquiétés (« Mais t’es sûr que c’est une bonne idée ? ») et finalement emballés (« Mais c’est trop bien !»). Et au bout du compte, nous avons vécu une aventure incroyable, dont je pense vraiment aujourd’hui, avec le recul, qu’elle ne changeait pas grand-chose par rapport à ce que nous aurions vécu ailleurs. Mais pour nous, ce pas grand-chose a tout changé !

La première chose, c’est que dans le cadre de l’accompagnement global, ma présence était souhaitée. Mieux même, elle était voulue, attendue, indispensable ! Un projet de naissance en maison de naissance ne peut se construire en solitaire : il est indispensable que la future maman soit accompagnée (dans notre cas, par le futur papa) pour avoir un soutien fort le jour de l’accouchement. Du coup, je me suis débrouillé pour être là à la plupart des séances de suivi médical, et à toutes les séances de préparation à la naissance. J’ai donc pu faire la connaissance des 3 sages-femmes qui travaillaient ensemble à la maison de naissance, et dont l’une d’entre elles serait présente à la naissance. Et comme toutes les trois sont des personnes formidables, j’ai commencé à me dire que cet accouchement pourrait ne pas être qu’un simple passage d’un état « sans bébé » à un état « avec bébé », mais une expérience à part entière.

La seconde chose, c’est que comme j’étais présent tout au long de la préparation à la naissance, c’était nous qui nous préparions à la naissance de notre enfant, pas seulement ma femme. J’ai pu écouter le cœur du bébé, réviser mes cours d’anatomie féminine, malaxer un faux sein pour comprendre le mécanisme de l’allaitement, tester plein de positions improbables pour masser ma femme très très enceinte, apprendre des super nœuds d’écharpe, poser plein de questions et recevoir plein de réponses qui étaient toutes les variantes d’une seule et même phrase : « Faites comme vous le sentez, ça sera très bien ». Et tout ça (surtout cette réponse qui, sous ses allures un peu légère, était exactement ce dont nous avions besoin) m’a permis de vraiment me plonger dans cette grossesse et cet accouchement à venir, de nous préparer ma femme et moi à …. rien (car comment se préparer à quelque chose d’aussi fort et unique?), à part à nous faire confiance. A nous dire que, finalement, ce moment allait être notre moment. Qu’il allait bien se passer puisque nous le traverserions ensemble, en pouvant compter chacun l’un sur l’autre.

La rencontre

Et c’est exactement ce qui s’est passé : le jour J, Madame a perdu les eaux très tôt (à 5h du matin), elle a été d’une gentillesse indescriptible en prenant sur elle pour me laisser dormir jusqu’à 9h, puis nous nous sommes mis en route. Et nous avons vécu une journée incroyablement intense, tous les deux enfermés dans notre petite bulle dans laquelle nous nous sommes petit à petit coupés du monde. Mon petit bout de femme est petit à petit entrée en elle, attachée à ses sensations et à sa respiration, et j’étais avec elle : à côté, derrière, debout, assis, couché, à la masser, à l’encourager, à la soutenir pour marcher, parfois à ne rien faire d’autre que fredonner une note basse le plus longtemps possible pour qu’elle ait un point d’attache dans la tourmente dans laquelle elle était plongée. Notre sage-femme était présente tout au long de cette lente marche en avant, mais toujours un peu en périphérie : parfois là, parfois dans une pièce attenante, elle a su prendre la main pour faire avancer les choses quand elles stagnaient trop, et s’éclipser quand nous avions besoin de temps. Le moment de la naissance proprement dite a été assez long, un peu compliqué et très fatigant, mais notre ouistiti a quand même fini par pointer le bout de son nez ! Et son arrivée n’a pas brisée notre petite bulle, puisque nous avons pris le temps de la rencontrer, de la laisser nous découvrir et de la découvrir nous-même. Et après quelques chansons (quelques mois plus tôt, je n’aurais jamais pensé qu’une chanson puisse faire partie d’un accouchement ; mais sur le moment, c’était exactement la chose qu’il fallait), un peu de repos, une plâtrée de pâtes et quelques essais infructueux, nous sommes finalement partis pour la maternité attenante au lieu de rentrer chez nous, car la toute jeune maman s’était trop épuisée à la tâche. Mais nous y sommes allés tous les 3, après avoir vécu les 8 heures les plus intenses de notre vie.

Et enfin, après toutes ces émotions et après être enfin rentrés à la maison, nous avons vraiment commencé notre vie à 3. Le top départ avait été donné quelques jours auparavant dans cette petite chambre rose de la maison de naissance, mais là, nous étions sortis des starting blocks pour enfin prendre notre rythme de croisière. Et maintenant que notre bébé n’a besoin de rien d’autre que du lait de ma femme, à quoi est-ce que je vais donc bien pouvoir servir ? Eh bien si elle l’a portée 9 mois dans son ventre, je la porterai sur le mien à partir de maintenant ! Et c’est dans le portage que j’ai découvert un super vecteur de lien avec bébé. On s’y est d’abord mis parce qu’on a été convaincus par les arguments très basiques de « c’est pratique », « ça permet de garder les 2 mains de libre », etc… Pour se rendre compte que finalement, ça permettait aussi de créer une connexion avec notre enfant. Et que quand ce petit ouistiti est bien calé sur mon ventre, bien au chaud, avec sa petite frimousse contre mon torse et sa chaleur qui transperce doucement mon pull, on se rend compte que c’est quand même vachement chouette d’être papa.

Partir sur de bonnes bases

En conclusion, on pourrait se dire que la maison de naissance n’a finalement pas été grand chose : un papa peut très bien se rendre disponible pour suivre les préparations, quel que soit le cadre dans lequel elles se tiennent ; des sages-femmes attentionnées, bienveillantes et respectueuses de la femme et du couple, ça n’est (heureusement!) pas l’exclusivité des maisons de naissance ; le recours au portage se répand de plus en plus ; et de nombreuses maternités proposent aujourd’hui des dispositifs type salle nature, où un accouchement peut se faire de manière plus libre, plus douce et en prenant plus son temps.

C’est vrai. Mais pour moi, pour nous, rencontrer tout ça dans un même endroit, le tout baigné d’une bienveillance omniprésente et d’une volonté de ne pas accoucher les futures mamans mais de les aider à s’accoucher elles-même, ça a suffi pour que notre expérience de la naissance en ait été radicalement bouleversée. Et je suis intimement convaincu que ce changement se répercute jusqu’à maintenant et continuera dans le futur à nous influencer. Et que si je suis aussi épanoui dans mon rôle de papa aujourd’hui et que ma fille est aussi débordante de vie, c’est parce que comme tout bon papa poule je vois mon enfant comme le plus parfait de tout l’univers ; mais aussi grâce à cette expérience que nous avons eu d’une naissance pas tout à fait comme les autres, qui finalement ne changeait pas grand-chose, mais qui, pour nous, a tout changé.

4 réflexions sur « Maison de Naissance: un bon départ dans la paternité »

  1. Très touchant et en même temps plein de réalisme et de recul, mais aussi de tendresse… Très beau témoignage.
    J’adorerais avoir une analyse aussi longue du sujet de la part de mon mari 😉

  2. Quel merveilleux texte ! Un grand merci sur ce papa qui a trouvé le temps et le courage de mettre des mots sur son expérience de la parentalité.

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